Présentation

synthèse du projet

synopsis

19 septembre 2010. C’est dimanche. Sur les rivages habituellement paisibles de la plage de Sainte-Anne-la-Palud, le parking s’anime. Beaucoup errent, cherchant leur chemin. À l’appel des associations écologistes, une mani-festation contre les algues vertes a lieu sur la plage. Mais la FDSEA a organisé une contre-manifestation, en haut de la dune derrière la chapelle. Au milieu de ce spectacle inattendu, une anthropologue du Muséum interroge les participants et un clown cherche des présages dans le ciel.

un conte contemporain polyphonique

“Sur scène, un seul acteur/conteur, un récit qui se démultiplie, une corporalité qui se transforme. La scène devient une chambre d’échos : militant, chercheuse, paysan, journaliste parlent, puis surgit, au cœur de cette polyphonie, Jean Kergrist, le « clown agricole ». Il traverse le spectacle comme une mémoire en marche, un passeur entre les combats, entre l’humour et la gravité, entre le théâtre et la rue.”
Gloria de Belén Riquelme - metteuse en scène

origine du projet

Marées naît à la croisée de plusieurs élans : une recherche scientifique sur les controverses environnementales, un territoire traversé de tensions invisibles et un désir profond de théâtre comme espace de mise en relation.

C’est dans le sillage du projet FIL-AV (Fabrique de l’Information Locale autour des Algues Vertes), porté par le laboratoire Arènes de l’Université Rennes 2 et financé par le consortium IRIS-E, que la Compagnie Safar a été sollicitée pour initier une création autour du conflit des marées vertes.

La controverse écologique est à la fois locale et globale. Elle évoque les territoires, la mémoire, les luttes, les représentations sociales. Elle dit aussi notre époque saturée de discours, fracturée de récits, en quête d’espaces de résonance collective.

Ce sujet fait écho à notre pratique : un processus artistique qui documente sans figer, qui creuse sans expliquer, qui tisse à partir de matières brutes et sensibles (voix, gestes, sons, archives, objets…). Nous y avons vu l’occasion d’explorer ce que le théâtre peut offrir, c’est-à-dire un espace où les conflits ne sont pas résolus mais rendus audibles. Un lieu où l’on peut encore faire circuler des émotions, des doutes, des désaccords.

Ainsi, Marées s’inscrit naturellement dans notre démarche artistique, celle d’une dramaturgie de l’enquête et de la présence, au sein de laquelle les documents ne sont pas des preuves mais des tremblements. Ces documents sont rassemblés, partagés, habités. Ils construisent un paysage commun, que nous faisons vibrer sur le plateau..

production du spectacle

La création du spectacle Marées est en cours de production et la compagnie finalise le montage ainsi que le calendrier.

Coproductions : projet FIL-AV & Laboratoire Arènes, Le Strapontin (scène conventionnée), L’Atelier Culturel (scène conventionnée), École Nationale Supérieure de Formation de l’Enseignement Agricole- Ministère de l'Agriculture, MJC de Douarnenez

Soutien : Au Bout du Plongeoir

Partenariats universitaires en discussion : IUT de Lannion, Maison des Sciences de l'Homme en Bretagne

équipe du spectacle

écriture | Clémence Hallé (biographie ci-dessous)
mise en scène | Gloria de Belén Riquelme
interprétation | Lukaz Nedeleg
chorégraphie | Cécile Borne
création sonore | Étienne Chouzier
dispositif scénographique | Victor Melchy
création lumière | Nicolas Bazoge
costumes | en cours

diffusion | Erwan Yvenou, Big Bravo Spectacles

intentions

Le spectacle Marées est un conte contemporain sur une question vive, celle du conflit entre agriculteurs et écologistes à propos de la présence de marées vertes sur les plages bretonnes depuis les années 1970. Il s’appuie sur un territoire et un événement précis, la Baie de Douarnenez en Finistère sud et le double rassemblement qui s’est déroulé en 2010 sur la plage de Sainte-Anne-la-Palud, un contre les algues vertes, un contre leurs militants. À partir de cet événement quasi dramaturgique, le propos s’élargit aux controverses environnementales au sens large, et pose un regard actualisé sur les conflits qui traversent les différents mondes sociaux.

de l’ethnographie à la dramaturgie

Marées est écrit à partir de documents de recherches, notamment une ethnographie des acteurs des deux rassemblements effectuée entre 2023 et 2024 par l’autrice. Elle élabore le script à partir d’entretiens qu’elle a réalisés, mais aussi de photographies, vidéos et supports de communication qu’elle a collectés, afin de reconstituer le déroulé ou l’ambiance de la double manifestation. L’autrice procède par montage, juxtaposant les éléments pour augmenter ou diminuer le sens dramatique de tel ou tel discours. Elle effectue ainsi des sélections de figures et de personnages, dont elle peaufine le caractère au plateau avec l’interprète et la metteuse en scène.

Aux archives départementales des Côtes d’Armor, elle a par exemple retrouvé celles du “clown contre les algues vertes” Jean Kergrist, connu pour avoir été successivement “clown du nucléaire”, “clown agricole”, ou clown dans toutes les manifestations environnementales que l’on pouvait retrouver le long du canal de Nantes à Brest, depuis les années 70 jusqu’à la zad de Notre-Dame-des-Landes.
marées noires, marées vertes

marées noires, marées vertes

Dans Marées, le clown relie les luttes entre elles, et c’est finalement une histoire de la lutte écologiste en Bretagne que l’on peut raconter à travers lui et les algues vertes. Les marées vertes surviennent en effet presque en même temps que les marées noires, avec le Torrey Canyon en 1967 ou l’Amoco Cadiz en 1978. Qu’elles soient noires ou vertes, elles surgissent sur les plages et forcent les bretons à prendre en considération les enjeux environnementaux.

Le spectacle pose finalement des défis d’écriture, mais aussi de jeu, qui sont concomitants aux questions de recherche. Comment rendre compte auprès du public d’une situation que tout le monde sait brûlante, tout en s’immisçant à l’intérieur d’une scène qui en dramatise le conflit ? À travers des voix multiples, dans un seul-en-scène polyphonique, Marées cherche à explorer les conséquences du régime de la post-vérité, actuellement plébiscité dans les médias internationaux, sur la qualité du débat public.

une méthode de dramaturgie active

Avec Marées, nous plongeons dans une controverse bretonne, celle des algues vertes. Un conflit entre écologistes et agriculteurs, entre plages souillées et colères sociales. Une fracture locale, qui résonne partout, parce qu’elle touche à ce qui se joue aujourd’hui dans le monde : l’écologie comme champ de bataille des récits.

Les documents sont réunis bien en amont des répétitions. Nous les partageons collectivement, dans les trajets, les silences, les discussions tardives. Ils nourrissent une mémoire partagée, une bibliothèque vivante dans laquelle chaque membre de l’équipe artistique peut puiser. Ce sont des objets, des sons, des matières, des charges sensibles. Nous construisons ainsi un paysage commun, que nous déployons ensuite sur le plateau.

Nous travaillons selon une dramaturgie active : aucun sens ne sera figé, aucune vérité imposée. Nous voulons faire du théâtre un lieu de frictions, de suspens, de questions laissées ouvertes. Le texte se construit ainsi par vagues, au rythme des répétitions. Chaque geste, chaque silence, chaque rythme est éprouvé pour ce qu’il permet de convoquer.

Ce que nous cherchons n’est pas une résolution. C’est un espace où l’on peut encore se parler. La scène y est abordée telle un rivage commun où les documents s’échouent, non pour être classés, mais pour être ressentis. Marées, c’est cela, un théâtre qui ne tranche pas mais remue, une tentative de relier par le sensible, la voix, le corps et le doute.

biographie de Clémence Hallé, autrice

Clémence Hallé est actuellement post-doctorante sur les interactions entre les controverses environnementales et les performances artistiques avec le projet FIL-AV (la Fabrique de l’Information Locale autour des Algues vertes), lauréat du consortium rennais IRIS-E (Interdisciplinary Research & Innovative Solutions for Environmental transition). Elle a obtenu son doctorat à l’École Normale Supérieure de Paris, au sein du laboratoire SACRe (Sciences, Arts, Création, Recherche), avec une thèse sur l’histoire esthétique de l’Anthropocène mais aussi en tant qu’autrice au sein de la Lighthouse Company. Elle a notamment écrit le solo Matters, interprété par le comédien Duncan Evennou, qui rejoue les discours inauguraux du groupe de géologues étudiant l’Anthropocène sur un plateau de théâtre. Clémence Hallé poursuit ainsi les recherches sur la représentation écologique qu’elle a entamées sous la direction de Bruno Latour, en prenant comme terrain d’étude son Programme SPEAP (Programme d’expéri-mentation en arts et politiques de Sciences Po) dirigé par Frédérique Aït-Touati.

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Photos : Les indigènes du 7ème continent – exposition de Cécile Borne, Jean Kergrist, Nina Coad.

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